XAVI EL DUENDE – Jeune danseur de flamenco

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XAVI EL DUENDE – Jeune danseur de flamenco

On mai 19, 2022, Posted by , In Non classé, With No Comments

XAVI EL DUENDE Premier prix Concours de flamenco de la Drome 2022

Jeune danseur de flamenco

Valence 23 avril 2022

Personnellement, il n’y a rien qui puisse me faire plus plaisir que l’explosion de joie d’un jeune prodige, de seulement 17 ans, à l’annonce de l’attribution du premier prix du Concours de Flamenco de la Drôme 2022, en catégorie professionnelle, et que j’ai eu le plaisir et l’honneur d’accompagner jusqu’ici.

Xavier est dans mes cours depuis l’âge de 6 ans, et je me rappelle encore, comme si c’était hier, le jour où il est arrivé avec sa maman et son petit frère devant notre stand à la journée portes ouvertes de la mairie du XVIIIe arrondissement à Paris. La rencontre avec cette famille fut une de mes plus belles rencontres !

Puis j’ai connu le papa qui alternait avec maman pour accompagner Xavier à mes cours : un monsieur discret et bienveillant, toujours avec un livre à lire pendant que son fils terminait son cours. La famille de Xavier a été déterminante pour son épanouissement : une famille attentive et à l’écoute de ses enfants. J’ai posé la question à Marie Christine, sa maman, sur ce qui a pu amener Xavier au flamenco, et elle m’a répondu « jouer avec des castagnettes ».

Xavier se sent flamenco, sa vie est flamenca : à 5 ans ses parents lui font écouter Camarón de la Isla, dont il définit la voix comme quelque chose entre « le cri d’un bébé et la voix d’un vieux qui meurt ». Puis, on lui fait voir des vidéos de jotas aragonaises dansées avec castagnettes et ce fameux film de Saura de 1995, Flamenco, où il voit « des gens danser ». Ce côté énergique et soutenu de ces deux styles de danses espagnoles (le folklore et le flamenco) a fait qu’il déclare vite à sa maman qu’il voudrait faire du flamenco, en dépit de toutes les autres danses (hip-hop, moderne, classique, tahitienne, etc.) et musiques que ses parents lui faisaient voir ou écoutaient régulièrement à la maison. À la maternelle déjà, dans le cadre d’un cours d’éveil corporel à la danse, ses professeurs avaient relevé son excellent sens du rythme. Sans le savoir, maman avait en somme réussi à stimuler la curiosité de son enfant, qui est, à mes yeux, un prodige.

Xavier est comme tombé dans une « potion magique », faite de beaucoup d’amour et de patience de la part de ses parents. À cela s’ajoutent sa curiosité, sa bienveillance, sa ténacité, et beaucoup de travail personnel et de passion dans tout ce qu’il fait, et qui lui ont permis de se dépasser. 

Parfois, il part dans tous les sens, alors il faut le « recadrer », et même s’il donne l’impression d’être ailleurs, je me suis rendu compte que, en effet, il écoute toujours.

Xavier Montesquat est né, il y a 17 ans, en Éthiopie. Il a été adopté à l’âge de 6 mois par une famille française dont la mère a des origines espagnoles. Il n’a pas de souvenirs liés à son pays d’origine, donc son véritable pays c’est la France. Il est actuellement inscrit dans un lycée de design et d’arts appliqués, car le dessin est un autre de ses points forts, et il parle un français impeccable pour un jeune de son âge.

Il a parfois presque de la rage contre ces personnes qui ne l’ont pas compris comme artiste mais aussi comme personne. J’ai essayé de le protéger un peu contre la bêtise de certains adultes qui voyaient en lui un enfant presque dérangeant, car je partais du principe qu’il était avant tout un enfant et qu’il fallait le préserver. Ayant été moi-même à mon époque une enfant différente des autres, j’ai connu cette souffrance et je serai toujours là pour aider les jeunes à trouver leur propre chemin et à les protéger… « La vie n’est pas un long fleuve tranquille », c’est Xavier lui-même qui me l’a rappelé.

Je n’ai pas hésité à lui conseiller de prendre des cours ailleurs et à parler ouvertement avec lui et ses parents de tout ce qui était bon à prendre pour lui. Ils ont suivi presque à la lettre mes conseils, et il est parti à Madrid puis en Andalousie se former avec de grands maîtres, dont certains étaient déjà connus au sein de notre association, Javier Latorre et Olga Pericet en particulier. Mais aussi Manuel Liñan à Jerez et d’autres à l’école Amor de Dios à Madrid, comme Alfonso Losa, María Juncal, Rafael Estévez, Karime Amaya, Manuel Reyes, David Paniagua, Mercedes de Córdoba ou Gala Vivancos, et à Paris auprès de José Maya et de Lori la Armenia. Je pense que celui qui l’a le plus marqué a été Javier Latorre, avec qui j’ai eu occasion de prendre moi-même des cours et qui a changé complètement ma vision du Flamenco : on ne peut pas rester indifférent à ce génie, danseur et chorégraphe, dont l’élégance et la fluidité sont un exemple dont beaucoup devraient s’inspirer !

Je pensais ne plus voir Xavier de retour dans mes cours, mais il m’a dit avec beaucoup d’humilité que j’avais encore des choses à lui apprendre : son rêve de jouer des castagnettes était toujours là. Il devait avoir à peine 14 ans quand il m’a sorti ses castagnettes pour me montrer ce qu’il savait faire ! À ma plus grande stupeur, je m’aperçois qu’il arrive à faire une carrettilla (enchaînement des quatre doigts, l’un après l’autre, de la main droite), mais avec les doigts inversés. J’ai éclaté de rire et aussitôt je lui ai corrigé son erreur : il est aujourd’hui un de mes élèves parmi les plus avancés de mes cours de castagnettes de concert ! Comme tous les jeunes, il veut aller vite, et un autre jour, il me montre une « pataíta por bulería » que je ne lui avais pas encore apprise. Cette fois-ci, il avait quelques doutes et, effectivement, son « pas de bulería », il ne le rentrait pas au bon endroit ! Il a pris son envol depuis, et il a développé un style qui ne ressemble à personne. Le cante flamenco le titille aussi, car pour bien comprendre la danse, il faut appréhender le chant : alors, il s’initie dans nos cours avec Alberto Garcia et Mercedes Cortés. Peut-être un jour se mettra-t-il aussi à la guitare…

Xavier fait partie de cette nouvelle génération qui a accès à toute sorte d’information sur les réseaux sociaux, et, comme je l’ai déjà fait remarquer, il est animé par une grande curiosité à laquelle j’ajouterais une forte capacité d’analyse et un sens esthétique, que viennent renforcer sans doute ses études d’art. Depuis un an, il suit d’ailleurs des cours de danse classique, auprès de l’excellent pédagogue Wayne Byars, afin de parfaire sa technique corporelle.

Pour ce concours, Xavier s’est préparé pendant deux ans, deux années bouleversées par la crise sanitaire ; il m’a envoyé beaucoup des vidéos que j’ai corrigées. Il m’a dit vouloir préparer, pour le concours de la Drôme, un taranto, qu’il n’avait jamais analysé ni appris avec moi, et j’avais quelques réserves sur son choix : je n’ai pas réalisé tout de suite qu’il avait grandi et qu’il savait ce qu’il voulait.

À ma grande stupeur, à seulement 17 ans, il a gagné ce concours de flamenco avec une chorégraphie montée par lui-même, dans un style qui ne ressemble à personne. Entre modernité et tradition, il a su parler à son public et au jury, il a dansé comme jamais je ne l’avais vu danser. Il a concentré ses efforts sur son âme noble, pour nous donner le meilleur de lui-même. Il nous fera l’honneur de danser son taranto lors du spectacle « GALATIKA » le 27 juin prochain au Carreau du Temple.

Xavier m’a dit, lors d’une interview pour m’aider à préparer cet article, que l’homme et l’artiste qui sont en lui sont indissociables, ce qui fera de lui un artiste authentique et sincère.

Xavier m’assiste depuis un an dans certains de mes cours, où il a pris sous ses ailes en particulier les enfants dont il est devenu désormais l’idole !

Jeune prodige, je suis certaine qu’il ira très loin s’il garde toujours en lui cette bienveillance et ce sens de l’humilité qui lui sont propres, des qualités plutôt rares de nos jours.

Maria Donzella Gaubert,
sa professeure

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