Hommage à PATRICIO MARTIN
C’est avec un choc émotionnel sans précédent que j’ai appris le décès de celui qui fut mon premier professeur de flamenco.
Patricio Martin nous a quittés de façon prématurée et violente ! Danseur et chorégraphe très talentueux, il animait les cours de flamenco du Centre de danse du Marais où j’ai fait mes premiers pas, et pas que les premiers, et dont les rires et la créativité débordante arrivaient jusque dans la cour.
Je veux lui rendre hommage à travers cet article pour témoigner du respect que je lui dois mais aussi de mon affection dont je ne connaissais pas, jusqu’à présent, la profondeur.
Patricio était comme une référence dans Paris et presque tout le monde un jour ou l’autre a mis les pieds dans ses cours ou ses spectacles.
Je ne devais pas être danseuse et pourtant il a contribué à faire de moi ce que je suis devenue aujourd’hui : soit le rêve de ma vie depuis mon enfance.
On dit que la vie est faite de rencontres et que certaines personnes marquent notre existence au-delà du cocon familial. J’ai eu assurément deux personnes qui ont marqué ma vie :
– Luigi Minotti, mon maître à l’école primaire, qui a réussi à me faire aimer les livres et l’école, et qui m’a permis d’avancer dans mes études et, par conséquent, aussi dans ma vie ;
– Patricio Martin, qui a réussi à me faire aimer le flamenco et à me donner l’espoir de réaliser ce rêve de devenir un jour danseuse, rêve qui ne m’avait jamais quittée depuis mes 5 ans.
Il avait une approche ludique qui faisait en sorte qu’on arrivait à s’amuser avec une discipline qui demande pourtant beaucoup de technique ennuyante et nécessaire, et ses cours étaient bondés !
J’ai passé au moins huit ans dans ses cours au Centre de danse du Marais, puis un jour il m’a proposé de faire partie du Ballet flamenco de Paris.
Patricio était un homme d’une générosité extrême dont on prend conscience seulement après sa disparition. Il a ouvert la porte et la carrière de beaucoup d’entre nous, il nous a montré le chemin et bien que nous soyons partis pour nous spécialiser ailleurs, il a été le moteur de tout ce que nous sommes devenus.
A Paris, il y a une vingtaine d’années, il n’y avait pas autant de cours de flamenco qu’aujourd’hui, il y avait juste 4 ou 5 professeurs, et lui était vraiment une référence rien que pour ses magnifiques chorégraphies dont il était capable de changer les pas à la dernière minute dans un souci de perfection : ironie du sort, je suis devenue un peu pareille !
Il avait eu une idée géniale, celle de former un ballet avec tous les danseurs et danseuses de flamenco de la capitale de mon époque. C’est là où j’ai connu Katia, Alejandra, Loreto, Sandra, Véronique, Veronica, Isabelle et d’autres. Son spectacle Ritmos, auquel j’ai participé, fut ma première expérience sur scène en tant que professionnelle dans une compagnie, sous son regard bienveillant, et cela, malgré les grosses difficultés qu’il avait dû surmonter pour pouvoir le présenter et dont j’économise les détails qui n’ont pas de place ici !
Trois soirées au Trianon à Paris, puis à la mairie du XVIe arrondissement, à Bercy, mais aussi à la cour Saint-Émilion pour la présentation du film Mission impossible 2 avec Tom Cruise, puis à Lausanne. Avec le recul, je crois qu’on a vécu quelque chose d’extraordinaire, car Patricio savait réunir autour de lui des gens talentueux et d’horizons différents.
Sa curiosité et sa sensibilité le portaient à intégrer dans ses spectacles un peu tous les styles de danse et de musique.
Forcément, cela ne collait pas pour les puristes du flamenco, et chacun a pris un peu son chemin, moi comprise. C’est aujourd’hui que je réalise le génie de cet homme qui allait au-delà des frontières traditionnelles du flamenco.
Nous nous sommes toujours respectés et nous avons continué à nous parler parfois devant une bière ou chez moi à l’occasion de quelque stage que j’organisais avec Angelita Gomez, Olga Pericet ou d’autres : il était humble et il se remettait toujours au travail et au même niveau que n’importe quel élève.
J’avais discuté brièvement avec lui dans les vestiaires au Centre de danse du Marais, où nous nous croisions avant d’aller donner nos cours respectifs, juste la semaine avant cet horrible accident qui l’a emporté.
Samedi 9 octobre je lui ai rendu visite une dernière fois à l’hôpital, 2 jours avant qu’il nous quitte! J’espère juste qu’il a pu entendre ces peu de mots que j’ai réussi à sortir de ma gorge en lui serrant la main. Jusqu’au dernier moment, j’ai pensé qu’il allait s’en sortir et que nous allions nous croiser encore au Centre de danse du Marais, là où nous nous sommes connus.
Patricio était une âme noble ! Le monde du flamenco et le monde artistique perdent un grand artiste, une belle personne qui a réussi à rester fidèle à elle-même et à son art !
Je ne t’oublierai jamais, tu laisses en moi un grand vide.
Mariella (le prénom avec lequel tu m’appelais, et avec lequel m’appelle depuis toujours ma famille)